Lors de sa visite en Guyane, Gérald Darmanin a annoncé la construction d’une prison de haute sécurité à Saint-Laurent-du-Maroni.
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, n’a pas tardé à faire une annonce de taille lors de sa visite en Guyane.
Dès son arrivée, il a confirmé une information révélée en exclusivité par le média national Le JDD : la construction, d’ici 2028, d’un établissement pénitentiaire à Saint-Laurent-du-Maroni.
Il s’agira d’une prison de 500 places, comprenant un quartier spécifique de 60 places dédié à la lutte contre la criminalité organisée. Ce secteur visera à isoler les narcotrafiquants les plus dangereux ainsi que les individus radicalisés. Ces quartiers seront dotés de dispositifs de sécurité renforcés : parloirs sans contact, brouilleurs puissants, systèmes de neutralisation, dans l’optique de « briser les empires criminels » et de couper les chefs de réseau de leurs bases logistiques.
Une population réticente et des élus sceptiques
Mais sur le terrain, la pilule passe mal. De nombreux habitants ont rapidement exprimé leur opposition, estimant que ce projet ne répond pas aux véritables besoins du territoire, notamment celui de désengorger la seule prison de Guyane, située à Rémire-Montjoly.
Pour les élus locaux, la méthode interroge. L’annonce de cette prison de haute sécurité est perçue comme un projet imposé depuis Paris, sans réelle concertation avec les principaux concernés.
Le parallèle avec le bagne — dont Saint-Laurent fut jadis le sinistre symbole — n’a pas tardé à surgir. « Déplacer des prisonniers de Martinique ou de Guadeloupe à Saint-Laurent-du-Maroni, c’est un rappel d’une époque où l’on déportait des gens pour les emprisonner sur notre territoire », a affirmé Sophie Charles, maire de Saint-Laurent.
Sécurité ou fracture ?
Dans une lettre adressée ce mercredi à Gabriel Serville, président de la Collectivité territoriale de Guyane, Gérald Darmanin a tenté de clarifier ses intentions : « La Guyane est une porte d’entrée majeure du narcotrafic en Europe. Il est de notre devoir de neutraliser les réseaux criminels. Il faut frapper fort pour casser les réseaux. » Il a également rappelé que 500 millions d’euros sont mobilisés pour la justice en Guyane. « Ce plan ambitieux prévoit depuis 2017 notamment la construction d’une vaste cité du ministère de la Justice à Saint-Laurent-du-Maroni, qui accueillera un tribunal judiciaire et un établissement pénitentiaire, ainsi qu’une nouvelle cité judiciaire de Cayenne. »
Ce projet de prison cristallise un dilemme fondamental : peut-on garantir la sécurité sans risquer d’aggraver une fracture déjà existante entre l’État et ses territoires ultramarins ? La démarche technocratique, qui consiste à aligner les moyens sur des objectifs sécuritaires, semble heurter de plein fouet les aspirations d’un territoire à être écouté, respecté, et pleinement acteur de son avenir.
Entre impératif de sécurité nationale et quête de reconnaissance locale, la visite de Darmanin n’a laissé personne indifférent. Reste à savoir si ce projet s’imposera comme un outil de protection… ou comme un symbole de fracture.