Gloriyé 22 Mé !
L’esclavage est définitivement aboli en France par décret du 27 avril 1848. Non sans un long combat car depuis la révolution française et la proclamation des principes de liberté et d’égalité, plusieurs grandes figures dont Victor Schoelcher ou Toussaint Louverture réclament l’abolition. Elle est obtenue une première fois en 1794, rapidement révoquée en 1802 lorsque la France devient Empire.
Le décret du 27 avril 1848 commence par ces mots :
Considérant que l’esclavage est un attentat contre la dignité humaine ;
Qu’en détruisant le libre arbitre de l’homme, il supprime le principe naturel du droit et du divin ;
Qu’il est une violation flagrante du dogme républicain : Liberté – Égalité – Fraternité
Il y a une petite particularité à ce décret du 27 avril 1848, c’est de prévoir que “l’esclavage sera entièrement aboli dans toutes les colonies et possessions françaises deux mois après la promulgation du présent décret dans chacune de d’elles”.
A la Martinique, dès l’annonce de l’abolition, la population esclave ne peut admettre de se soumettre à sa condition entre deux mois de plus.
Le 22 mai 1848 à Saint-Pierre, les esclaves de la Martinique se soulèvent : le peuple relevé arrache au pouvoir sa liberté immédiate, sans se plier au délai de deux mois. Le gouverneur prend alors un arrêté dès le 23 mai 1848 par lequel l’esclavage est aboli « à partir de ce jour en Martinique ».
Le 22 mai 1971, Aimé Césaire inaugure à Fort-de-France dans le quartier Trenelle « la Place du 22 mai » où fut érigée une sculpture du plasticien Koko René Corail.
Le décret du 23 novembre 1983 fixe les dates du jour de commémoration annuelle pour chaque département ultramarin.
Le 22 mai est définitivement la date de commémoration de l’abolition de l’esclavage à la Martinique.
La commémoration dans chaque territoire ultramarin
Mayotte, le 27 avril
Mayotte ne commémore pas le 27 avril 1848 mais le 27 avril 1846, date à laquelle le ministre de la Marine et des Colonies le Baron Mackau proclame l’abolition de l’esclavage, à titre expérimental, soit deux ans avant le décret de 1848.
Guadeloupe, Saint-Martin, le 27 mai
Le décret de 1983 et l’article L.3422-2 du code du travail fixent le jour de commémoration de l’abolition de l’esclavage au 27 mai pour la Guadeloupe et pour Saint-Martin.
Face au soulèvement de la Martinique le 22 mai 1848, le gouverneur de Guadeloupe a pris un arrêté abolissant l’esclavage dès le 27 mai 1848.
En revanche, des recherches historiques sur Saint-Martin ont permis d’établir que la proclamation était en réalité intervenue un jour plus tard, soit le 28 mai 1848. Les Saint-martinois célèbrent ainsi le 28 mai.
Guyane, 10 juin
La Guyane est le seul territoire ultramarin à retenir la date de l’arrivée du décret du 27 avril 1848 sur place, soit un mois et demi après sa promulgation.
Saint-Barthélémy, 9 octobre
Le processus d’émancipation des esclaves qui a débuté en mai 1846 s’achève avec l’affranchissement de la 523ème esclave. Elle s’appelait Marie-Françoise, surnommée Mélanie et elle a été affranchie le 9 octobre 1847. C’est ainsi la date retenue par Saint-Barthélémy.
La Réunion, 20 décembre
L’application réelle de l’abolition fut longue en raison de l’opposition d’une partie des propriétaires terriens qui ne voulaient pas d’abolition avant la fin de la période de récolte de la canne à sucre.
L’abolition de l’esclavage est alors promulguée le 18 octobre 1848, avec effet deux mois plus tard. La proclamation est lue publiquement le 20 octobre 1848. C’est ce qui détermine le choix de la date du 20 décembre pour tenir compte des deux mois de prise d’effet de la proclamation.
La reconnaissance nationale
En France, la Loi Taubira du 21 mai 2001 instaure reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité.
Le décret du 31 mars 2006 fixe la “journée nationale de commémoration des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition” à la date du 10 mai. La date est choisie en référence à la date d’adoption de la loi Taubira devant le Sénat.
Il s’agit d’un jour de mémoire et de commémoration.
Cependant, ce n’est pas un jour férié donc c’est un jour travaillé et scolaire.
Dans les établissements scolaires justement, le 10 mai a vocation à être une journée de réflexion civique sur le respect de la dignité humaine et la notion de crime contre l’humanité. La communauté éducative est invitée à s’appuyer sur des visites de lieux de mémoire, des projections de films ou la lecture d’extraits d’œuvres littéraires.
Depuis la loi Taubira, et selon son article 2, les programmes scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines doivent accorder « à la traite négrière et à l’esclavage la place conséquente qu’ils méritent ».
Ainsi que le disait Nelson Mandela, « l’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde ».
Au plan international
- Le 25 mars est la journée proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies comme Journée internationale de célébration du bicentenaire de l’abolition de la traite transatlantique des esclaves.
- Le 23 août est la journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition consacrée par l’UNESCO en mémoire du soulèvement d’esclaves qui se déroula à Saint-Domingue la nuit du 22 au 23 août 1791, au début du processus d’abolition de l’esclavage dans les colonies européennes.
- Le 2 décembre est la journée internationale pour l’abolition de l’esclavage qui commémore la date anniversaire de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies, de la convention pour la répression et l’abolition de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui en 1949.
L’Union européenne possède une Charte des droits fondamentaux (2000) qui est dotée d’une portée juridique identique à celle des traités depuis le Traité de Lisbonne du 1er décembre 2009, ce qui veut dire une force contraignante pour les Etats.
Elle prévoit en son article 5 :
« Interdiction de l’esclavage et du travail forcé
- Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude.
- Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire.
- La traite des êtres humains est interdite »
Pour conclure avec les mots de René Cassin, rappelons qu’« Il n’y aura pas de paix sur cette planète tant que les droits de l’homme seront violés en quelque partie du monde que ce soit».
Il est le rédacteur de la Déclaration Universelle des droits de l’homme, Juriste et prix Nobel de la paix en 1968.
« Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes »
(article 4 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948)