Une clause particulière et piégeuse
La clause de non-concurrence est singulière : bien qu’elle soit prévue dès la signature du contrat de travail, elle n’entre en vigueur qu’après la rupture du contrat. Peu importe la durée de la collaboration, la clause peut rester dormante un an, dix ans, voire vingt ans.
Si l’employeur et le salarié l’oublient, elle, ne les oubliera pas.
Une restriction à la liberté de travailler
La clause de non-concurrence limite la liberté d’un salarié d’exercer une activité après son départ, sans pour autant le placer dans l’impossibilité totale d’exercer un métier conforme à sa formation, ses compétences et son expérience.
Cette clause entrave donc une liberté fondamentale : la liberté du travail. Elle est protégée notamment par la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et par le Code du travail.
Sa rédaction doit être rigoureuse et répondre à plusieurs critères cumulatifs, dont les contours restent parfois flous.
Les obligations essentielles
- Une limitation dans le temps
Oui, mais combien de temps ? Ça dépend. Il n’existe pas de durée fixe : la clause ne doit être ni trop courte, ni trop longue.
- Une limitation géographique
Tout est possible… et tout peut être censuré. La restriction peut s’appliquer à une ville, un département, une région, un pays voire un continent, à condition de rester proportionnée.
- Une contrepartie financière
Elle est obligatoire et doit être versée à partir de la rupture du contrat. Son montant ? Ni dérisoire, ni exorbitant.
Ces trois critères sont indispensables, mais ne suffisent pas.
Pourquoi une clause de non-concurrence ?
L’employeur souhaite généralement empêcher un salarié de partir chez un concurrent en emportant son savoir-faire et ses connaissances du marché. Il peut aussi espérer dissuader le salarié d’aller voir ailleurs en imposant cette contrainte.
Mais en réalité, cette clause lie souvent autant l’employeur que le salarié.
Pour être valide, elle doit protéger les intérêts légitimes de l’entreprise et être proportionnée au poste du salarié. L’accès à des informations confidentielles peut justifier son utilisation.
Si ces conditions ne sont pas remplies, la clause est nulle. Seul le salarié peut en demander l’annulation devant le Conseil de Prud’hommes.
Quand la clause s’active…
Le jour où le contrat est rompu, la clause entre en vigueur.
L’employeur veut y renoncer ?
Il doit le faire immédiatement et notifier cette décision dans la lettre de licenciement, la rupture conventionnelle ou dès réception de la démission.
Une fois la renonciation prononcée, elle est définitive. L’employeur ne peut pas décider quelques semaines plus tard d’imposer la clause.
Le salarié ne respecte pas la clause ?
Il perd définitivement son droit à la contrepartie financière, même si son emploi chez un concurrent ne dure que quelques jours.
Mais l’employeur doit prouver la violation de la clause pour cesser de verser l’indemnité.
La clause est maintenue ?
L’employeur doit verser chaque mois l’indemnité compensatrice de non-concurrence, qui figure sur le bulletin de salaire.
Elle est soumise aux cotisations sociales et ouvre droit à congés payés. Elle est également imposable.
Si la clause est illicite…
Un salarié qui respecte une clause de non-concurrence illégale (et annulée ensuite par un juge) peut obtenir une indemnisation pour le préjudice subi.
À l’inverse, si un salarié viole une clause valide, l’employeur peut réclamer le remboursement des indemnités déjà versées.
Une clause à manier avec précaution
La clause de non-concurrence peut être un outil utile pour protéger l’entreprise, mais elle est complexe. Mal rédigée, elle devient un piège, tant pour le salarié que pour l’employeur.
Dès l’embauche, mieux vaut anticiper pour sécuriser la relation de travail et éviter les litiges.
Pour vous accompagner au quotidien :
Mireille MANCHERON
Conseil et défense en droit du travail