Isolés, souvent fragiles économiquement et particulièrement exposés aux effets du changement climatique, les territoires ultramarins français doivent pourtant relever le défi de leur transition énergétique. Entre atouts naturels exceptionnels et obstacles structurels, l’équation est complexe mais les solutions existent.
Des objectifs ambitieux pour 2030
L’horloge tourne pour les territoires d’Outre-mer. Alors que la loi de 2015 relative à la transition énergétique fixe un objectif d’autonomie pour 2050, les départements ultramarins doivent atteindre 30% d’énergies renouvelables à Mayotte et 50% à La Réunion, en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique d’ici 2030 – contre seulement 23% pour l’Hexagone. Un véritable défi pour ces zones non interconnectées (ZNI) qui dépendent entièrement de leurs propres moyens de production.
« Ces territoires sont encore très carbonés avec des prix de l’énergie systématiquement élevés », rapporte la Cour des comptes dans son dernier état des lieux. Une situation qui pèse lourdement sur des économies déjà fragiles.
Le soleil et les volcans au secours de la transition
Pour atteindre ces objectifs, les territoires ultramarins peuvent compter sur des ressources naturelles exceptionnelles. « La plupart se trouvent dans des milieux tropicaux avec un ensoleillement optimal, » explique un responsable de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Le sous-sol volcanique constitue également un atout majeur. En Guadeloupe, la centrale géothermique de Bouillante, seule installation de ce type en Outre-mer, fournit déjà 6% de l’électricité de l’île avec une production de 110 GWh/an. Son extension, prévue dans les prochaines années, pourrait couvrir jusqu’à 30% des besoins électriques guadeloupéens.
D’autres territoires comme la Martinique, La Réunion et Mayotte disposent de ressources similaires encore inexploitées. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a d’ailleurs identifié des perspectives « très prometteuses » pour une autonomie énergétique d’ici 2050.
Frédéric Ducarme, spécialiste des questions énergétiques ultramarines, voit notamment « une marge de progression importante » pour le photovoltaïque. « L’essentiel de la consommation électrique se fait en journée. Les pics de consommation s’ajustent naturellement aux pics d’ensoleillement », souligne-t-il.
Des dispositifs financiers pour accélérer la transition
Pour accompagner cette mutation, l’État a mis en place plusieurs leviers financiers. Plus de 23 millions d’euros seront consacrés entre 2023 et 2030 aux projets environnementaux dans les territoires d’outre-mer européens. La CRE a également développé des mécanismes permettant de subventionner des équipements performants comme l’isolation des toitures ou les chauffe-eau solaires.
Du côté des entreprises, des prêts spécifiques sont disponibles, allant de 10 000 € à 750 000 € selon l’ancienneté des structures, sans exigence de garantie personnelle. La défiscalisation reste également un levier important pour attirer les investissements privés dans les projets d’énergies renouvelables.
L’équation complexe des obstacles structurels
Malgré ces atouts, la transition énergétique ultramarine se heurte à des difficultés spécifiques. « Toutes les énergies renouvelables ne sont pas adaptées aux contextes locaux », rappelle Frédéric Ducarme. L’éolien, par exemple, pose problème dans des zones exposées aux cyclones.
L’éloignement géographique et des infrastructures souvent vieillissantes compliquent également le déploiement de nouvelles installations. Sans oublier la pénurie de compétences techniques et de main-d’œuvre qualifiée dans certains secteurs clés de la transition énergétique.
Chaque territoire fait face à ses propres défis: instabilité politique en Nouvelle-Calédonie, reconstruction post-catastrophe naturelle en Martinique, ou difficultés économiques et sociales à Mayotte.
Une transition à double enjeu
Dans un contexte où les mouvements contre la vie chère ont secoué plusieurs territoires ces dernières années (Mayotte en 2018, Guyane en 2017, Martinique en 2024, Guadeloupe en 2021), la transition énergétique représente un enjeu autant économique que social.
Pour ces départements où, selon l’Insee, la pauvreté touche une part bien plus importante de la population que dans l’Hexagone, développer les énergies renouvelables pourrait permettre de réduire la dépendance aux importations coûteuses de carburants tout en créant des emplois locaux.
L’année 2025 pourrait marquer un tournant, avec de nombreux projets qui devraient entrer en phase opérationnelle. Entre nécessité climatique et impératif économique, l’Outre-mer n’a d’autre choix que de réussir sa révolution énergétique.