Une équipe de chercheurs, coordonnée par Mélody Philippon de l’Université des Antilles en Guadeloupe, révèle comment des blocs tectoniques jusque-là méconnus à l’est de la plaque caraïbe ont joué un rôle déterminant dans la biodiversité des îles des Grandes Antilles. C’est une avancée majeure pour comprendre les liaisons géologiques et biologiques de la région.
Une étude publiée le 14 novembre dernier dans la revue Nature Communications Earth & Environment propose un scénario inédit pour expliquer la richesse biologique des Antilles du Nord. Cette recherche issue de l’équipe de Mélody Philippon détaille comment les blocs tectoniques GrANoLA (Greater Antilles Northern Lesser Antilles) et plusieurs éléments géodynamiques associés auraient constitué, entre environ 45 et 25 millions d’années, un corridor terrestre temporaire reliant l’Amérique du Sud aux Grandes Antilles. Selon les chercheurs, ces blocs illustraient comment « les zones de subduction sont particulièrement sujettes à des changements géographiques rapides à la surface de la Terre, favorisant la diversification et la spéciation ».
Vers un pont terrestre éphémère
La reconstruction paléogéographique proposée intègre des données paléomagnétiques récentes montrant que les blocs GrANoLA ont subi une rotation importante depuis le Paléogène. Ces mouvements, combinés à des élévations et submersions successives, auraient permis aux anciens blocs de se comporter comme un lambeau lithosphérique mobile. Cela rend plausible l’existence d’un corridor terrestre transitoire entre le continent sud-américain et les îles. Ce scénario lève le paradoxe de la forte biodiversité insulaire d’origine sud-américaine malgré la large barrière océanique actuelle.
Les chercheurs expliquent que ce corridor « offre une nouvelle voie expliquant les échanges biotiques et la diversification dans la Caraïbe ». Grâce à cette connexion, des groupes terrestres et dulçaquicoles (mammifères, amphibiens, reptiles, poissons d’eau douce, arthropodes, plantes) auraient pu coloniser les îles, avant que la tectonique ne fragmente cette liaison.
Réviser les paradigmes de la biogéographie des Antilles
Ce scénario met en lumière l’importance des dynamiques géologiques (subduction, rotations lithosphériques, émergences temporaires, déplacements des blocs) dans l’origine de la biodiversité antillaise. Il remet en cause l’hypothèse dominante d’une colonisation uniquement par voie maritime ou via des ponts insulaires statiques.
Selon les auteurs, les « hotspots de biodiversité coïncident souvent avec des zones de subduction, où l’activité tectonique crée puis détruit des connexions géographiques », ce qui correspond à la situation des Antilles du Nord. La prise en compte de ces reconstructions tectoniques dynamiques fournit un cadre plus cohérent pour expliquer la richesse et l’endémisme remarquable des biotas terrestres et dulçaquicoles des îles.
Cette étude propose un modèle renouvelé de biogéographie insulaire. Appliqué à d’autres archipels soumis à l’activité tectonique, ce cadre pourrait aider à mieux comprendre l’origine de certains « hotspots » de biodiversité ailleurs dans le monde.








