Le délibéré du 19 février 2026 pourrait bouleverser le paysage politique martiniquais, à un mois du scrutin municipal.
Une affaire née d’un contrôle de la Chambre régionale des comptes
Le procès qui s’est tenu du 17 au 20 novembre 2025 devant la 32e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris trouve son origine dans un rapport de la Chambre régionale des comptes publié en 2019. Ce document mettait en lumière les conditions du départ à la retraite de Serge Letchimy de la fonction publique territoriale, intervenu en 2016 alors qu’il était encore parlementaire en exercice.
L’affaire a ensuite été transmise au Parquet national financier, qui a ouvert une enquête aboutissant au renvoi de quatre personnes devant le tribunal correctionnel.
Quatre prévenus, des responsabilités distinctes
Les audiences parisiennes ont réuni Serge Letchimy, actuel président du conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Martinique, Didier Laguerre, maire de Fort-de-France, Yvon Pacquit, premier adjoint au maire, et Max Bunod, ancien directeur général des services de la commune.
Les deux premiers sont poursuivis pour recel de détournement de fonds publics, tandis que les deux autres sont mis en cause pour leur rôle dans le montage administratif ayant permis la réintégration de Serge Letchimy dans les effectifs municipaux, préalable nécessaire à son départ à la retraite.
Le cœur du dossier porte sur l’article LO 142 du code électoral, qui pose le principe d’incompatibilité entre l’exercice de fonctions publiques non électives et un mandat parlementaire. Selon l’accusation, Serge Letchimy n’aurait pas dû bénéficier d’une réintégration administrative lui ouvrant droit à une prime de départ avoisinant 100 000 euros.
Des réquisitions lourdes de conséquences
Au terme des trois jours d’audience, le ministère public a requis des peines significatives. Pour le président du conseil exécutif : deux ans d’emprisonnement avec sursis intégral, 150 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité. Pour le maire de Fort-de-France : dix-huit mois avec sursis, 20 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité.
Les deux autres prévenus font l’objet de réquisitions plus modérées : douze mois avec sursis et 10 000 euros d’amende pour l’ancien directeur général des services, six mois avec sursis et 5 000 euros d’amende pour le premier adjoint.
L’absence d’exécution provisoire, élément clé du dossier
Point déterminant pour l’avenir politique des deux principaux prévenus : le parquet n’a pas assorti ses réquisitions d’une demande d’exécution provisoire. Cette disposition, si elle avait été retenue, aurait rendu l’éventuelle peine d’inéligibilité immédiatement applicable, même en cas d’appel.
En l’absence d’exécution provisoire, un appel de la décision suspendrait automatiquement l’application de la peine d’inéligibilité. Les deux élus pourraient ainsi conserver leurs fonctions actuelles et, le cas échéant, se présenter aux prochaines échéances électorales.
Un calendrier judiciaire en tension avec le calendrier électoral
Le tribunal rendra sa décision le 19 février 2026, soit environ un mois avant les élections municipales prévues en mars. Ce calendrier place les deux principaux protagonistes dans une situation d’incertitude inédite.
En cas de condamnation avec inéligibilité, les prévenus disposeraient de dix jours pour interjeter appel. Cette procédure suspendrait l’effet de la peine jusqu’à la décision de la cour d’appel, leur permettant théoriquement de maintenir leur candidature.
La défense a plaidé l’existence d’un vide juridique concernant les modalités de réintégration des parlementaires dans la fonction publique territoriale, arguant qu’aucune procédure claire n’encadrait cette situation spécifique.
Le délibéré du 19 février constituera un moment charnière pour la vie politique martiniquaise, quelle que soit l’issue retenue par le tribunal.









