Le 5 décembre 2025, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale a rendu public un rapport alertant sur les blocages persistants à l’accès à la justice pour les justiciables ultramarins.
La commission d’enquête présidée par Frantz Gumbs et rapportée par Davy Rimane a rendu le 5 décembre 2025 un rapport adopté le 27 novembre dénonçant des obstacles structurels à la justice en outre‑mer.
Les travaux, entamés le 5 juin 2025 après l’adoption d’une proposition de résolution, ont reposé sur de nombreuses auditions, un déplacement effectué en septembre en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, ainsi que l’analyse de documents mettant en lumière l’ampleur des difficultés.
Le rapport affirme que ces obstacles ne relèvent pas de simples dysfonctionnements administratifs mais d’« une politique publique défaillante » (héritière de « décennies de sous‑investissement ») et d’une conception trop centralisée des besoins ultramarins.
Des obstacles concrets à l’accès au droit
Selon le rapport, l’accès à la justice (entendu comme la possibilité réelle pour tout citoyen de faire valoir ses droits) reste largement théorique dans de nombreux territoires ultramarins. Plusieurs facteurs entravent ce droit : l’absence ou l’insuffisance d’avocats, des moyens matériels limités pour se déplacer vers un tribunal ou un point‑justice, et des difficultés financières pour les publics les plus modestes d’accéder à l’aide juridictionnelle.
S’ajoute à ces contraintes matérielles une distance culturelle. Dans plusieurs territoires, la justice est perçue comme une institution « éloignée des réalités et traditions locales » (ce qui alimente un sentiment de méfiance parmi les justiciables). Pour corriger cela, le rapport identifie trois axes prioritaires d’action.
Vers une justice plus équitable et adaptée aux territoires ultramarins
Le premier axe consiste à offrir aux Ultramarins une justice comparable à celle de l’Hexagone (cela implique des juridictions dotées d’un nombre suffisant de magistrats et personnels judiciaires). Le rapport propose de renforcer les contrats de mobilité, d’instaurer une politique de primes prenant en compte l’attractivité des postes, et de valoriser l’expérience outre‑mer dans la carrière des magistrats (y compris pour l’accès aux postes de responsabilité).
Le second axe vise à garantir une égalité d’accès au droit. À ce titre, le rapport recommande de mettre fin à des régimes dérogatoires encore en vigueur dans certains territoires (comme le recours à un juge unique avec des peines élevées à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon ou l’usage de « citoyens‑défenseurs » à Wallis‑et‑Futuna). Il suggère aussi d’encourager l’installation d’avocats, notaires ou commissaires de justice dans les « déserts juridiques » et d’adapter l’aide juridictionnelle aux contraintes géographiques ultramarines (notamment pour compenser les frais de déplacement).
Le troisième axe porte sur la restauration de la confiance entre la justice et les populations ultramarines. Le rapport appelle à une formation obligatoire des magistrats et greffiers aux réalités socio‑culturelles des territoires concernés, et à favoriser la promotion de personnels originaires des outre‑mer (via par exemple des concours adaptés). La création de « Prépa Talents » en Guadeloupe est citée comme une première étape à généraliser.
Le rapport attire aussi l’attention sur un autre sujet sensible, celui du « désordre foncier » en Martinique et à La Réunion (des justiciables dénoncent des situations de spoliation résultant d’un recours abusif au régime de la prescription acquisitive). Le rapport invite à engager des travaux pour évaluer, le cas échéant, une réforme du régime applicable afin de protéger les droits des propriétaires.
L’Assemblée nationale marque ainsi un tournant potentiel pour la justice ultramarine. Les recommandations formulées (attractivité des personnels, renforcement des juridictions, soutien aux professions du droit, adaptation de l’aide juridictionnelle, prise en compte des spécificités culturelles et géographiques) constituent un programme ambitieux pour rendre l’accès au droit concret et équitable.







