C’est l’histoire d‘un licenciement nul et de ses conséquences indemnitaires
Le litige
Une salariée ayant plus de 17 ans d’ancienneté a saisi le Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France pour faire cesser le harcèlement moral dont elle s’estimait victime et obtenir la condamnation de son employeur à lui devoir des dommages et intérêts pour déloyauté et pour manquement à l’obligation de sécurité.
Immédiatement après sa saisine, la salariée est licenciée pour faute grave sur des motifs plutôt génériques (comportement inacceptable, propos irrespectueux, etc).
Pour le Conseil de Prud’hommes : le licenciement est nul et de nul effet. La salariée obtient sa réintégration et le paiement de ses salaires mais pas pour la totalité de la période d’éviction.
Pour la Cour d’Appel : la salariée ne démontre pas que son licenciement est intervenu en raison de son action en justice. Elle est dès lors entièrement déboutée.
Pour la Cour de Cassation :
– Le licenciement intervenu en raison d’une action en justice de la salariée est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale ;
– Il appartenait à l’employeur de prouver que sa décision de licenciement était étrangère à toute volonté de sanctionner la salariée de son droit d’agir en justice et non à celle-ci de démontrer que le licenciement était intervenu du fait de sa saisine (rappel de sa jurisprudence antérieure : Cass. Soc., 19/04/2023, n°22-10.219)
La Cour de Cassation casse avec renvoi cependant sur la question du rappel de salaires qui découle de la nullité du licenciement avec réintégration.
Pourquoi la salariée a partiellement gagné son recours
(CA Fort-de-France, 27/09/2024)
La Cour d’Appel de renvoi devait statuer sur la demande de rappel de salaires portant sur la totalité de la période d’éviction, c’est à dire du licenciement pour faute grave (avril 2016) à la date effective de la réintégration (décembre 2021). Un enjeu portant sur un montant à 6 chiffres avant la virgule.
L’employeur plaidait en réponse que les revenus de remplacement perçus pendant cette période (salaires, allocations chômage, autre) devaient être déduits du rappel de salaires dus.
La Cour d’Appel suit l’employeur dans son raisonnement.
A tort et en contradiction totale avec la jurisprudence de la Cour de Cassation.
Lorsque le licenciement est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie, le rappel de salaires porte sur l’intégralité de la période d’éviction sans aucune déduction des éventuels revenus de remplacement.
L’action en justice de la salariée était une liberté fondamentale. Il ne pouvait y avoir aucune déduction des revenus de remplacement.
La morale de l’histoire
« Quand on agit avec précipitation, on ne peut éviter le reproche » (Proverbe Grec).
Employeurs, veillez à être bien accompagnés pour ne pas prendre de décision hâtive irréversible.
Mireille MANCHERON
contact@mancheron-avocat.fr
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Conseil et défense en droit du travail







