À l’occasion de la sortie de Fanon, son nouveau film consacré à l’intellectuel et révolutionnaire anticolonialiste, le réalisateur Jean-Claude Barny nous partage sa vision et les coulisses de cette œuvre engagée. À découvrir en salle depuis ce vendredi 4 avril.
Pourquoi avoir réalisé ce film sur Frantz Fanon ?
Pour moi, Fanon est au même niveau que Malcolm X, Lumumba, Sankara ou Martin Luther King dans la lutte contre la colonisation et la discrimination. C’est l’une des dernières grandes figures à ne pas avoir encore été portée au cinéma. Ce film est une opportunité de rendre son héritage plus accessible, plus populaire, sans en arrondir les angles.
Pour retranscrire sa vie avec précision, avez-vous mené des recherches particulières ?
Oui, énormément. Avec mon co-scénariste Philippe Bernard, nous avons consacré près de quatre ans à ce travail. Nous avons étudié toutes les thèses, les livres, les documents qui traitent de Fanon. C’est une œuvre considérable et l’une des personnalités les plus documentées historiquement. Ce qui manquait, en revanche, c’étaient les images. Il existe très peu d’images de Fanon, mais une abondance de textes analysant son travail. Nous avons donc dû recomposer son univers visuel en nous appuyant sur ces sources.
Avez-vous rencontré des difficultés particulières lors du tournage ?
Le tournage a été fluide, mais c’est le fruit d’un travail préparatoire minutieux avec mon producteur Sébastien Onomo. Recréer une époque est un défi immense : décors, costumes, accessoires, voitures, environnement… Tout devait être exact. Le plus grand challenge, je pense, a été de laisser aux acteurs la liberté nécessaire pour s’approprier leurs rôles. Alexandre Guillet, qui incarne Fanon, s’est investi avec une intensité rare. Il n’a pas simplement joué Fanon, il est devenu Fanon. Et ça, en tant que réalisateur, il faut savoir le laisser faire, accepter que l’acteur s’approprie pleinement le personnage.
Justement, comment s’est fait le choix d’Alexandre Bouyer ?
Depuis des années, j’observe attentivement l’évolution du cinéma et des acteurs afrodescendants. Malheureusement, j’ai remarqué que beaucoup s’éloignaient du cinéma dramatique pour se tourner vers des comédies parfois caricaturales.
Je voulais un comédien qui n’ait pas trempé dans ce type de rôles, qui incarne une certaine intégrité. Alexandre Guillet correspondait parfaitement. Il s’est investi avec un sérieux et une réelle intensité. Il comprenait que ce rôle allait au-delà du cinéma, qu’il s’agissait d’une responsabilité envers l’histoire.
C’est votre troisième long-métrage. Que représente ce film dans votre parcours ?
Un aboutissement. C’est aussi la fin d’une thématique qui traverse tous mes films. Mais surtout, c’est un projet qui me permet de remercier toutes les personnes qui m’ont soutenu depuis le début, celles qui ont cru en moi, qui sont venues voir mes films. Fanon, c’est aussi pour elles, pour leur montrer que notre combat a un sens et un impact.
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Ce film est un grand biopic, un vrai film de genre. Il est réalisé par des Caribéens, avec notre vision, notre sensibilité. Il était attendu par d’autres, notamment aux États-Unis, mais nous avons réussi à le faire avant eux. Sans leur aide. Avec nos moyens, notre détermination. Maintenant, c’est au public de juger. Nous avons réussi à faire le film. À vous de nous dire si c’est une réussite. Allez le voir, en masse, pour envoyer un message fort : nous sommes là, nous avons nos figures, notre cinéma, notre histoire.
Une séance spéciale aura lieu ce lundi 7 avril à 19h au cinéma AGORA, suivie d’un débat en présence de :
- Tina Harpin – Maîtresse de conférences, Université de Guyane
- Philippe Bouba – Docteur en histoire
- Jean-Claude Barny – En visioconférence
Kaïs – redaction@cap-infos.fr